samedi 31 juillet 2010

Un potager controversé


Bye-bye Philadelphie ! 

Cap sur New York, ou plus exactement Maplewood, dans le nord du New Jersey. Alice a vécu deux ans dans cette jolie banlieue avec ses frères et ses parents avant de partir pour l'Europe.

Fred et Susan, les parents de Kathy (l'amie d'enfance d'Alice) ont lancé une invitation à dîner. Malheureusement, nous arrivons trop tard pour faire le tour de Maplewood avec Kathy (nous avions envie de montrer aux enfants l'endroit où le frisbee "Ultimate" a été inventé). Mais le soir, autour d'une délicieuse pizza du Roman Gourmet, nous parlons d'environnement. 

Fred, très impliqué dans la vie politique locale - il a été maire - est aujourd'hui à la tête d'une coalition d'élus du New Jersey engagés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Nous avons une intéressante discussion sur leurs financeurs : c'est le géant de la distribution Wal Mart, dont la politique salariale, basée sur le travail à temps partiel imposé, est source de précarité pour ses employés, qui est leur principal bailleur de fonds. Je lui parle de green washing (éco-blanchiment en français), qui permet d'améliorer à peu de frais l'image d'une entreprise. Lui me dit qu'en attendant un relais par les politiques publiques, il faut prendre l'argent où il est. 

Le lendemain matin, Fred et Susan nous emmènent voir l'ancienne maison d'Alice, son école élémentaire mais aussi les principales réalisations d'une ville qui a non seulement réussi à éviter les problèmes contemporains de ségrégation raciale et sociale - on dit de Maplewood que c'est une des villes les plus apaisées sur cette question, grâce à une politique audacieuse de valorisation des écoles publiques et de lutte contre les ventes de maisons à la découpe -  mais qui a aussi à son actif quelques belles réalisations environnementales : un commissariat de police certifié LEED (l'équivalent de la HQE aux Etats-Unis), des jardins partagés à côté des serres municipales, et aussi un amusant potager créé sur une pelouse, devant une maison.

Ce jardin nourricier, cultivé sans engrais ni pesticides, a été créé avec la complicité de l'artiste Fritz Haeg, qui a écrit un livre sur le sujet : "Attack on the Front Lawn". On y apprend que le potager, visible de tous, a suscité l'hostilité de certains voisins.




J'ai échangé quelques mots avec les propriétaires, qui m'ont dit s'être régalés tout l'été des tomates qui poussaient devant leur maison. 

- Et que pensent aujourd'hui vos voisins du jardin ? , leur ai-je demandé.
It gets mixed reviews, m'a répondu la propriétaire avec un petit sourire.

On pourrait traduire ça par : - Il ne fait pas l'unanimité.









jeudi 29 juillet 2010

La malédiction de William Penn






Cet accord tacite fut oublié en mars 1987, avec la construction à trois pâtés de maison de là de "One Liberty Place", un gratte-ciel de verre et d'acier, pastiche du Chrysler Building de New York. La tour surplombait le chapeau de Penn de 121 mètres.



Cette décision eut, selon de nombreux Philadelphiens, des conséquences inattendues. Alors que les équipes de baseball, de basketball, de hockey et de football américain avaient de bons résultats dans les années 70 et au début des années 80 - les Phillies ayant même gagné les World Series en 1980 -, à partir de 1987, l'ensemble des équipes de la ville fut touché par ce qui ressemblait bel et bien à une malédiction : pendant vingt ans, des défaites, toujours des défaites.

Aussi, lorsque l'opérateur de câble Comcast eut fini de construire le plus haut gratte-ciel de Philadelphie en 2007 pour y installer son siège social, il fut décidé de ne plus tenter le sort : on installa une statuette de William Penn sur le toit.

Et il faut croire que la malédiction fut vaincue, puisque les Phillies remportèrent à nouveau les World Series de baseball (le titre le plus convoité) en 2008.


Pour voir à quoi ressemble la statuette de William Penn, posée sur la dernière poutrelle de la tour Comcast  :



mardi 27 juillet 2010

Le pèlerinage de Rocky


A Philadelphie, au pied des marches qui mènent au musée d'Art, des milliers de personnes se livrent chaque jour à un amusant rituel : les uns après les autres, ils posent, les bras levés, devant une statue du boxeur Rocky Balboa, le héros des films de Sylvester Stallone.

Les plus sportifs montent ensuite en courant les 72 marches (appelées désormais "Rocky Steps") et se font photographier, toujours les bras en l'air, dans les pas du boxeur.

Vito, venu nous voir avec Chloé, et Adrienne, n'ont pas hésité : par 40° à l'ombre, ils ont gravi les marches à grandes enjambées et ont montré leurs muscles à Philadelphie !

De là-haut, on a une vue plongeante sur une statue équestre de George Washington, le Benjamin Franklin Parkway et l'hôtel de Ville, surmonté de la statue de William Penn.

(Il est peu probable que Sylvester Stallone y ait pensé en tournant la scène des marches, mais elle fait penser à ce passage célèbre du Père Goriot: 
"Rastignac, resté seul, fit quelques pas vers le haut du cimetière et vit Paris tortueusement couché le long des deux rives de la Seine, où commençaient à briller les lumières. Ses yeux s'attachèrent presque avidement entre la colonne de la place Vendôme et le dôme des Invalides, là où vivait ce beau monde dans lequel il avait voulu pénétrer. Il lança sur cette ruche bourdonnant un regard qui semblait par avance en pomper le miel, et dit ces mots grandioses : - A nous deux maintenant ! )



dimanche 25 juillet 2010

Bestiaire

Un copain de classe de Colombe lui a demandé si les fruits en Amérique avaient un goût bizarre. A part les myrtilles et les mûres, qui sont bien plus grosses qu'en Europe, nous n'avons rien remarqué de particulier. En revanche, nous avons rencontré quelques animaux qu'on ne voit que de ce côté-ci de l'Atlantique :


- Moby le chien 
Adrienne :
En arrivant à Philadelphie, nous rencontrons nos voisins, Eric, Gayle et leurs enfants Wade et Ingrid. La première fois que nous sommes venus chez eux, c'est un grand chien noir et tout bouclé qui nous a accueillis.

C'est un chien d'eau portugais (Portuguese Water Dog), une race devenue très connue aux Etats-Unis depuis que Barack Obama a adopté le chien Bo pour ses filles. Comme la femme du président s'appelle la First Lady et que ses enfants sont les First Kids, on dit du chien présidentiel qu'il est le First Dog.

Quand on se promène avec Moby dans la rue, c'est très facile de savoir pour qui les gens ont voté lors de l'élection présidentielle.


En parlant de politique, un jour, Eric nous a montré un numéro très drôle. Il a demandé à Moby : "Tu préférerais voter pour un républicain où tomber raide mort?" Là, Moby s'est couché par terre!

Quand Eric, Wade et Ingrid sont partis en vacances en Caroline du Nord, et que Gayle était de garde à l'hôpital, nous avons proposé de le garder pendant une semaine. Nous nous sommes beaucoup amusés.

Moby est vraiment un chien extraordinaire. Il est très habile ... surtout pour manger la nourriture qu'on laisse dans la cuisine ! Il n'aime pas du tout être tout seul, donc quand il n'y a plus personne en bas, il monte à l'étage avec nous.

Maintenant que les vacances d'Eric sont finies, Moby est rentré chez lui. Mais comme il nous manque, parfois nous le promenons le matin. Et là les conversations avec les passants reprennent ...

-l'opposum blanc de Lafayette Park

Colombe : Une nuit, en rentrant chez nous à Detroit, nous avons été surpris par un animal qui courait très vite le long du mur en face de la maison. Nous ne savions pas ce que c'était au début. Il a commencé à marcher vers nous mais dès qu'il nous a vus, il a fait demi-tour parce qu'il a eu peur lui aussi.

C'était un opposum, plutôt gros. Je n'en ai jamais vu en France. Il n'était pas beau et il dandinait son derrière. Il était blanc avec des petites tâches noires. Nous ne l'avons pas pris en photo, mais il ressemblait un peu à cet opposum-là, en plus gros (la taille d'un chat).


- les Tiger Mosquitoes de Philadelphie :
ici à Philadelphie, il y a des moustiques qui attaquent le jour et la nuit à n'importe quelle heure. Tous les matins en nous levant, nous voyons nos jambes pleines de boutons de moustiques et ça gratte beaucoup.

- l'aigle chauve


Colombe :
L 'aigle chauve est un oiseau qui représente les États-Unis et à chaque fois qu'il y a un drapeau il y a l'aigle chauve qui est juste dessus, mais pas un vrai aigle. Il n' y en a qu'en Floride et en Alaska. Il a une tête blanche et un le milieu du corps noir et le bas du corps noir.


- le condor de Californie (Gymnogyps californianus

Alice : comme nous ne sommes pas allés en Californie, le seul condor que nous ayons vu était empaillé, dans la vitrine des animaux en voie d'extinction du musée d'histoire naturelle de Harvard. Longtemps menacé par le saturnisme, transmis par le plomb des munitions - le condor est un charognard - il survit aujourd'hui en Arizona et en Californie après y avoir été réintroduit.
A propos du condor, j'aime bien cette phrase attribuée par Jean-Marie Pelt au naturaliste américain Ian McMillan : "Ce qui compte vraiment dans la sauvegarde des condors et de leurs congénères ce n'est pas tant que nous avons besoin des condors ... c'est que nous avons besoin de développer des qualités humaines pour les sauver. Car ce sont précisément celles-là qu'il nous faut pour nous sauver nous-mêmes".

- Mr. and Mrs. Mallard, les personnages de "Make Way for Ducklings", de Robert Mc Closkey :


Colombe : Mr. et Mrs. Mallard sont des canards ("mallard" veut dire "colvert") . Ce sont des personnages d'une histoire qui s'appelle "Make way for ducklings !" (en français, "Laissez passer les canetons !"). C'est l'histoire de deux canards donc, Mr. et Mrs. Mallard, et ces canards cherchent un endroit pour faire leurs canetons. À chaque fois que Mr. Mallard trouve un endroit bien, Mrs. Mallard dit "Non, c'est pas bien du tout". Ils survolent Boston et là, ils voient un grand jardin public avec de l'eau et ils se disent que c'est un bon endroit pour élever les canetons. Mais quand ils ont mis les pieds dans le jardin public, Mr. Mallard, qui était au milieu du chemin où il y avait les vélos et les trottinettes, a failli se faire écraser ! C'est dommage parce que là, il y avait de l'eau. Donc ils se sont dits "Non, ce n'est pas un endroit bien pour élever des petits canetons". Donc, ils ont encore volé pour voir s'il n'y avait pas un endroit mieux pour faire leurs bébés. Ils ont trouvé un endroit aussi à Boston, assez près du jardin public où un policier leur donnait des cacahuètes. Cet endroit à Boston était la rivière Charles (Charles River, la rivière qui sépare Boston de Cambridge). Là au moins il y avait de l'eau. Et ils ont fait leurs canetons !












mercredi 14 juillet 2010

Les murals de Philadelphie

Partout dans Philadelphie, les murs pignon sont recouverts d'oeuvres - "murals" en anglais.
Selon le Mural Arts Program, qui est à l'origine de la plupart des commandes, la ville est la plus grande galerie à ciel ouvert du monde.


Voici un aperçu de ces murs peints, glané au fil de nos balades.















































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Voici aussi deux photos d'une fresque en céramique (un peu abîmée) posée sur un mur du lycée de University City.
Elle raconte la destruction dans les années 50 et 60 d'un quartier habité surtout par des Africains-Américains - "Black Bottom". Les expulsions, qui ont touché 10 000 personnes environ, ont été décidées dans le cadre d'un programme de "renouvellement urbain" voulu par la mairie de Philadelphie et les directions des universités Penn et Drexel.
Les habitants, nostalgiques de leur quartier passé sous les bulldozers, continuent à se rassembler chaque année le dernier samedi du mois d'août dans Fairmount Park.






mardi 13 juillet 2010

Une "maison maligne" dans notre village


A Powelton Village, où nous habitons maintenant depuis trois semaines, cette belle bâtisse complètement murée nous intriguait. Un panneau de l'université Drexel, dont le campus est à deux pas, explique ce qui va lui arriver : la maison, ancienne "fraternity house" laissée en très mauvais état par ses anciens occupants, va être profondément remaniée pour améliorer ses performances énergétiques et créer des espaces communs. Ce sont des étudiants de Drexel, en partenariat avec l'association locale, qui sont à l'origine du projet. L'occasion de nouer des liens un peu plus sereins entre la fac et les habitants du coin, un peu las de voir leur quartier se transformer petit à petit en résidence universitaire. Malheureusement, le projet semble avoir oublié le jardin à l'arrière ...

Une petite présentation (en anglais) qui devrait intéresser les fans de rénovation thermique dans l'ancien, et qui permet de voir quelques photos des très belles maisons de Powelton Village (celle où nous habitons est plus petite et est équipée d'un ventilateur ET d'air conditionné - comme toutes les maisons autour de nous).


Drexel Smart House from Drexel Smart House on Vimeo.

dimanche 11 juillet 2010

La solitude du gardien de but


Comme deux milliards de personnes, nous avons regardé la finale de la coupe du monde de football. Jusque-là, nous avions vu quelques bouts de match par-ci, par-là, dans les vitrines des magasins ou sur Internet.


Le match France-Mexique a d'ailleurs rendu un commerçant de Philadelphie un peu nerveux lorsqu'il s'est aperçu qu'il y avait à sa devanture un attroupement de Français - nous - et de Mexicains . Mais il est rentré rassuré quand il a vu que l'ambiance entre téléspectateurs restait tout à fait cordiale.


Dimanche, devant la retransmission du match Espagne-Pays-Bas, nous avons eu une pensée émue pour les gardiens des deux équipes, qui à 0-0 pendant les prolongations ont dû croire que le match s'acheminait vers le rite inhumain des tirs au but. 


Nous avons donc été soulagés de voir une des deux équipes marquer enfin. 


Mais pour Maarten Stekelenburg, goal de l'équipe des Pays-Bas, le but d'Andres Iniesta à la 116e minute laissera sans doute un goût amer. On lui conseille d'ici à 2014 le simulateur de penalties du Franklin Institute, testé par Cyril (cf. photo ci-dessus), qui en a arrêté beaucoup.




Spécial copinage : Sylvie, l'amie et ancienne collègue d'Alice, et sa copine Catherine, ont tenu un blog gastronomique de la coupe du Monde. 
Chaque soir de match, des recettes pour les fans de foot et d'exotisme culinaire. 
Miam !


http://www.marianne2.fr/foot-bouf/Les-recettes_r1.html





samedi 10 juillet 2010

Des banlieues en kit




Nous partons ce week-end visiter Washington DC. Profitant de la voiture de location, nous faisons un détour par Willingboro, une petite ville du New Jersey où Michel et Marie-Hélène, les parents d'Alice, ont habité après avoir quitté leur appartement de New York en 1969.

Avec deux enfants sous le bras et un petit dernier en préparation, ils emménagent dans une maison individuelle construite par les frères Levitt.

William et Alfred Levitt sont les pionniers de la construction de banlieues à grande échelle : après Levittown, dans l'Etat de New York, et un deuxième Levittown, en Pennsylvanie, Willingboro est leur troisième et dernier grand projet aux Etats-Unis.

La clé du succès pour le promoteur Bill, et Alfred, l'architecte, c'était de construire vite, à bas coût, une gamme réduite (en général une demi-douzaine de modèles), que les propriétaires pouvaient ensuite aménager à leur goût. Toutes les pièces étaient produites en série et montées en un temps record. En plus des habitations, étaient livrés des quartiers entiers, dotés d'équipements publics - piscines, centres commerciaux, écoles et lieux de culte.

Voici ci-dessous, autour de la dalle en béton, tous les matériaux qui servaient à faire une maison, électroménager compris. (Regardez-bien, un des ouvriers ouvre la porte du lave-linge, tandis qu'un autre s'est assis dans la baignoire.)

Dans l'immédiat après-guerre, la pénurie de logements est telle et l'afflux de GI revenus du front si massif, que le gouvernement décide d'apporter son soutien aux promoteurs en accordant aux vétérans des prêts à taux préférentiels. Avec un apport de seulement 100 dollars, on peut emménager dans une maison qui en vaut 10 000 !

Bill Myers est un de ces vétérans. Avec sa femme Daisy et leurs deux petits garçons, ils s'installent à Levittown, en Pennsylvanie, en août 1957. Mais l'acquisition d'une maison n'a pas été facile. Il a fallu être discret : la société Levitt ne vend pas à des acheteurs noirs. William Levitt se défend pourtant d'être raciste. Il se contente d'affirmer que l'arrivée d'acheteurs noirs provoquerait la fuite de 90 à 95% de sa clientèle, blanche.



L'arrivée de la famille Myers provoque pas mal de remous : certains voisins manifestent leur hostilité en jetant des pierres en direction de la maison ou en passant des coups de fil anonymes. La police reste passive tandis que le harcèlement continue et dégénère parfois en émeutes. 

D'autres voisins et des organisations politiques et religieuses (juives et quaker notamment) témoignent quant à elles de leur soutien à Bill et Daisy et cherchent à les épauler. 

Dans le Willingboro des années 70, contrairement au Levittown de Pennsylvanie de la fin des années 50, familles noires, blanches, porto-ricaines ... coexistaient pacifiquement. L'école élémentaire - fermée aujourd'hui pour raisons budgétaires - s'appelait d'ailleurs Martin Luther King Jr. Elementary School. 

En parcourant cette banlieue dans laquelle elle a vécu une petite enfance très heureuse, Alice ne peut s'empêcher de se demander ce que vont devenir ces lotissements entièrement dépendants de la voiture individuelle et d'un pétrole encore relativement bon marché. 

Le garage à une ou deux voitures est d'ailleurs une pièce à part entière de la maison:



Le conformisme dans les banlieues américaines (suburbia) a inspiré une chanson à Malvina Reynolds, interprétée ici par Pete Seeger :  "Little Boxes".